Limagne: L'air pur de nos campagnes

06/09/2016

Je constate qu’il n’y a aucun témoignage pour l’ex région Auvergne. Pourtant, l’Auvergne n’est pas qu’un paradis vert baigné d’air pur. Les pratiques agricoles, tirées par les marchés et poussées par la difficulté, pour les agriculteurs, à maintenir des revenus décents, évoluent vers plus de cultures.
Notre maison familiale est isolée en pleine campagne. Lorsque j’étais enfant, nous n’avions pour voisines que des vaches charolaises et quelques moutons, là où pointait la roche. Partout des prés, bordés de haies composées, émaillés d’arbres isolés plus que centenaires.
Aujourd’hui, au moins la moitié des terres a été convertie à la polyculture. Blé, orge, pois, colza et tournesol se succèdent avec leur cohortes de traitements phytosanitaires. Ceux-ci sont appliqués au ras de la maison (< à 5 m), autour de laquelle les haies ont disparu. Ils se comptent par dizaines au printemps. Les conditions d’application (vent très faible en particulier) ne sont pas toujours respectées car il n’est pas toujours simple pour les exploitants de trouver une fenêtre d’application en composant avec les attaques de ravageurs ou de maladies, la météo, la disponibilité du matériel géré en CUMA et l’ensemble des activités autres sur les exploitations.
Bien sûr, aucune information n’est faite en amont des traitements et les séances de jardinage ou les repas à l’extérieur se termine souvent, au printemps, en replis précipités vers la maison.
Je fais le constat que la faune et la flore dans les alentours se sont drastiquement appauvries depuis mon enfance. Très peu de papillons, en particulier, et pratiquement plus de pollinisateurs. Les amphibiens ont pâti de ces évolutions également. Voilà pour les week-ends et les vacances.
Par ailleurs, mon lieu de travail est situé en Limagne et est environné, de manière mitoyenne (< 10 m), avec des cultures traitées.
Je fais donc partie, ainsi que les membres de ma famille et mes collègues, des milliers de français exposés à bas bruit, de manière chronique (air, eau et/ou alimentation). Pas de maladies, pas de symptômes pour moi-même ou mes proches. Pas encore ? Mais nous connaissons tous des personnes, exploitants ou membres de leurs familles, emportés, parfois jeunes, par divers cancers, pour lesquels un lien avec les pesticides est suspecté, ou des enfants d’exploitants victimes de malformations de naissance.
J’ai fait le choix d’une alimentation bio, de saison, et, autant que faire se peut, de proximité, dans une logique de durabilité. Quel est le poids de ces efforts face à un environnement gorgé de molécules toxiques, dont les produits phytosanitaires ?
Quand les pouvoirs publics et l’Europe cesseront de complaire aux lobbies pour donner les moyens à notre agriculture de s’orienter massivement et rapidement vers des pratiques respectueuses de l’environnement et de l’humain ?
D’autre part, au lieu de faire peser l’entièreté du poids de cette mutation sur les agriculteurs, quel Ministre aura le cran d’impulser une réforme complète de l’agroalimentaire, transformation et distribution comprises, afin de ramener une logique dans les circuits et de répartir équitablement les gains ?
Pour le moment présent, ne serait-il pas temps de faire preuve d’un minimum de décence en indemnisant rapidement et correctement les victimes des produits phytosanitaires ? Le parcours du combattant que représente la procédure de reconnaissance en maladie professionnelle et les sommes ridicules accordées lorsque la procédure, enfin, aboutit (si rarement), sont une honte pure et simple pour notre société.