Leucémie aigüe suite aux épandages

20/03/2020

Tous les ans de mars à juillet des hommes viennent prendre soin des champs. Ils y laissent quelques produits volatiles qui avec la brise n’ont aucun mal à s’épandre. Avec le temps la terre sèche, les insectes disparaissent et les oiseaux aussi, mais les raisins grandissent et de leurs jus emplissent la panse des gourmands.

A quelques dizaines de mètres devant la maison, derrière, à droite et même à gauche s’étendent à perte de vue des lignes organisées de plantations, cernées de broussailles et de taillis piquants. Maman souvent me somme de manger des fruits, je sors aussitôt-dit et m’enfonce dans le bois. De mes deux mains je plonge dans les ronces, et agrippe non sans mal les mûres les plus mûres. Les doigts pleins de suc j’en emplie mon haut blanc, où les fruits entassés, écrasés confiturent. Les effluves en amont attirent mon nez, des senteurs vineuses, musquées et acides, que j’hume goulûment pour mieux m’en approcher. Verdâtre, jaunâtre ou jaune-doré, c’est bien ceux-là que je préfère cueillir. Les mauve, rose ou noir-violet, bien que plus sucrés, me laissent dans la bouche un goût astringent. Les grappes veloutées de leur pruine cireuse m’invitent et exhalent leur plus bel apparat. Je cueille, j’arrache, me délecte des fruits, comme une abeille se réjouit du pollen.

Quand j’étais enfant, j’ai toujours aimé sortir dans les vignes, cueillir les raisins et tous les autres fruits qui poussaient autour. A l’époque on n’entendait pas du tout parler des pesticides, et je me régalait à manger ce qui poussait partout sans songer à les laver. Pour mes 14ans, j’entre au CHU Arnaud de Villeneuve à Montpellier. Diagnostiquée d’une leucémie aigüe lymphoblastique, j’enchaîne les chimiothérapies, ponctions et injections diverses. J’ai été suivie de mai 2012, à septembre 2014 environ. Aujourd’hui, j’ai 21ans et suis de plus en plus révoltée par l’usage de tous ces produits sur les plantations autour de nos maisons, qui viennent même empoisonner les vergers, jardins des riverains, et sûrement l’eau de nos forages également. C’est cette impuissance rageante qui me pousse à témoigner aujourd’hui, j’ai perdu une amie il y a quelques temps et j’entends bien trop souvent parler de cas de cancers, tumeurs et lymphomes se développer autour de chez moi, dans le village de Laudun-L’Ardoise.

30/10/19