Brûlée aux herbicides
En situation de handicap, je suis en reconversion professionnelle dans le domaine du paysage. Le 30 novembre 2021, j’ai été victime d’un accident de travail. Alors que je travaillais en contrebas d’un champ, un agriculteur m’a aspergée depuis son tracteur, au lieu-dit « Roudep Aranda ».
Il était parfaitement conscient de ma présence et, dans un premier temps, a reconnu les faits. Mais il s’est ensuite rétracté lorsqu’il a appris que j’avais déposé plainte contre lui. Il m’a déclaré qu’il réfuterait tout et prétendrait ne jamais m’avoir vue. (J’ai un témoignage de mon responsable, qui l’avait contacté par téléphone pour obtenir des éclaircissements sur l’incident.)
J’étais positionnée dans un massif à l’entrée du village, en train d’arracher des adventices. En me relevant, j’ai vu un tracteur à seulement 3,30 mètres de moi (selon l’expert), avec les rampes d’aspersion déployées. Intriguée, je suis restée sur place à observer. Le champ est surélevé de 80 cm par rapport à la voie publique.
Je voyais l’agriculteur se pencher et me regarder. Puis il a ouvert les vannes, et je me suis retrouvée dans un nuage jaune fluo à l’odeur nauséabonde. Je ne me suis à aucun moment doutée d’un danger, puisque l’agriculteur me regardait. Pour moi, il était donc évident que je ne risquais rien.
J’ai eu le réflexe de prendre une photo. Malheureusement, en raison de ma dystonie généralisée, j’ai dû m’appuyer sur une barrière pour stabiliser mes bras, ce qui m’a fait perdre du temps et m’a exposée davantage au produit toxique. L’agriculteur a stoppé son tracteur lorsqu’il a vu que je prenais une photo, mais il avait déjà replié les rampes d’aspersion à ce moment-là.
Ce jour-là, il y avait du vent et du brouillard. Je suis restée plus de 10 minutes dans ce nuage de Roundup Aranda (nom donné par l’agriculteur au centre antipoison et aux urgences de l’hôpital). J’ai subi des brûlures au premier degré sur le visage, dans les yeux, ainsi que dans les voies respiratoires et digestives. Aujourd’hui, je souffre toujours d’une fragilité des voies aériennes supérieures, ma langue reste blanche, et je dois vivre avec une sécheresse des yeux et des paupières, nécessitant un traitement à vie.
J’ai bénéficié de séances de kinésithérapie respiratoire en raison de douleurs pulmonaires et d’un essoufflement rapide à l’effort. Un bilan cardiaque est prévu en mai prochain.
Bien que j’aie fourni les plaintes, saisi l’inspection de la gendarmerie, produit des photos, expertises, relevés météo, rapports médicaux, et un rapport du médecin légiste, ainsi que la fiche technique de l’herbicide utilisé par l’agriculteur, le juge a refusé de trancher. Il affirme avoir besoin d’un lien clair entre le produit inhalé et les brûlures et séquelles.
La juge a donc renvoyé l’affaire au tribunal correctionnel avec demande d’une nouvelle expertise médicale. Pourtant, une première expertise a déjà conclu que les irritations étaient dues à l’inhalation du produit. Je doute qu’un autre médecin puisse apporter davantage d’informations…
Comme l’a dit mon avocat : « Ils ont complètement merdé ».
Je dois maintenant prouver que le Roundup Aranda est à l’origine de mes brûlures. Je me sens démunie. Comment une simple jardinière comme moi pourrait-elle fournir une telle preuve ? J’ai contacté six laboratoires qui m’ont tous répondu qu’ils ne pouvaient rien attester.